dimanche 10 mai 2009

LES AMOUREUX DE LA BONNE CUISINE... ET LES AUTRES...


GEORGES ORWELL A ÉCRIT:

........................Tout l’été le travail progressa avec une régularité d’horloge. Les animaux étaient heureux d’un bonheur qui passait leurs espérances. Tout aliment leur était plus délectable d’être le fruit de leur effort. Car désormais c’était là leur propre manger, produit par eux et pour eux, et non plus l’aumône, accordée à contrecoeur, d’un maître parcimonieux. Une fois délivrés de l’engeance humaine, des bons à rien, des parasites, chacun d’eux reçut en partage une ration plus copieuse. Et, quoique encore peu expérimentés, ils eurent aussi des loisirs accrus. Oh, il leur fallut faire face à bien des difficultés. C’est ainsi que, plus tard dans l’année et le temps venu de la moisson, ils durent dépiquer le blé à la mode d’autrefois et, faute d’une batteuse à la ferme, chasser des cochons ainsi que la prodigieuse musculature de Malabar les tiraient toujours d’embarras. Malabar faisait l’admiration de tous. Déjà connu à l’époque de Jones pour son coeur à l’ouvrage, pour lors il besognait comme trois. Même, certains jours, tout le travail de la ferme semblait reposer sur sa puissante encolure. Du matin à la tombée de la nuit, il poussait, il tirait, et était toujours présent au plus dur du travail. Il avait passé accord avec l’un des jeunes coqs pour qu’on le réveille une demi-heure avant tous les autres, et, devançant l’horaire et le plan de la journée, de son propre chef il se portait volontaire aux tâches d’urgence. À tout problème et à tout revers, il opposait sa conviction : « Je vais travailler plus dur. » Ce fut là sa devise.
Toutefois, chacun oeuvrait suivant ses capacités. Ainsi, les poules et les canards récupérèrent dix boisseaux de blé en recueillant les grains disséminés ça et là. Et personne qui chapardât, ou qui se plaignît des rations : les prises de bec, bisbilles, humeurs ombrageuses, jadis monnaie courante, n’étaient plus de mise. Personne ne tirait au flanc – enfin, presque personne. Lubie, avouons-le, n’était pas bien matineuse, et se montrait encline à quitter le travail de bonne heure, sous prétexte qu’un caillou lui agaçait le sabot. La conduite de la chatte était un peu singulière aussi. On ne tarda pas à s’apercevoir qu’elle était introuvable quand l’ouvrage requérait sa présence. Elle disparaissait des heures d’affilée pour reparaître aux repas, ou le soir après le travail fait, comme si de rien n’était. Mais elle se trouvait des excuses si excellentes, et ronronnait de façon si affectueuse, que ses bonnes intentions n’étaient pas mises en doute. Quant à Benjamin, le vieil âne, depuis la révolution il était demeuré le même. Il s’acquittait de sa besogne de la même manière lente et têtue, sans jamais renâcler, mais sans zèle inutile non plus. Sur le soulèvement même et ses conséquences, il se gardait de toute opinion. Quand on lui demandait s’il ne trouvait pas son sort meilleur depuis l’éviction de Jones, il s’en tenait à dire : « Les ânes ont la vie dure. Aucun de vous n’a jamais vu mourir un âne », et de cette réponse sibylline on devait se satisfaire.

La ferme des animaux, 1945.

3 commentaires:

Mammazan a dit…

Carissima
Ma lo sai che non ho mai letto nulla di Georges Orwell?.
Sono propio di un'abissale ignoranza!!
Grazie per aver proposto questo brano!
Un bacio e felice festa della mamma!

colibri a dit…

La ferme du bonheur... surtout pour le chat, comme d'hab. !!! Amitiés, Henriette.

Lulu archive Availles a dit…

Une p'tite histoire à lire aux Bois de Prinçay... il y a tant de chats que ça dissuadera tous les autres animaux réunis, de la révolte ;)
Amitiés Henriette.

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